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Reçu à Washington, le 9 juillet, le président du Gabon, Oligui Nguema, en a profité pour rencontrer la diaspora gabonaise. Une rencontre que les jeunes présents ne sont pas près d’oublier. Durant le moment d’échange, le chef d’État a annoncé la suppression des bourses pour les étudiants aux États-Unis et au Canada à la rentrée 2026. « Les études coûtent cher et ceux qui viennent ici ne reviennent jamais. À quoi ça nous sert de donner des bourses à des Gabonais qui viennent ici pour rester ici ? », a justifié le président. Sueur froide dans l’assemblée et polémique à Libreville.

L’effet de surprise passé, les réactions n’ont pas tardé à fuser. Sur Facebook, l’ancien Premier ministre, aujourd’hui principal opposant politique, Alain Claude Bilie By Nze, a publié, le 10 juillet : « Un pays qui se prive volontairement de former ses élites à l’international compromet son avenir. Ce sont ces élites qui, demain, bâtiront le pays. »

Un message largement partagé et commenté, notamment par des familles directement concernées par la mesure.

Du côté des enseignants, l’incompréhension domine. « C’est une catastrophe, assène Amadou Gueye, professeur de philosophie au lycée français de Libreville. J’estime qu’il y a des pôles de savoir où chaque pays doit s’efforcer d’y envoyer ses étudiants. »

Pour lui, la fuite des cerveaux réside dans le manque d’opportunités au Gabon. La jeunesse gabonaise diplômée peine à trouver sa place. Le chômage des jeunes dépasse 35 %, selon les dernières estimations de la Banque mondiale. Les places dans la fonction publique, traditionnellement prisées, se faisaient de plus en plus rares avant le coup d’État, et le secteur privé peine à se développer sur bien des aspects.

Exception pour les filières stratégiques

« Les jeunes ne planifient pas de rester aux États-Unis ou au Canada », assure Sarah Wild, salariée dans une agence d’orientation pour les Gabonais qui souhaitent étudier en Amérique du Nord. « Mais après des études longues et complexes, ils ne trouvent pas de poste intéressant pour eux au Gabon », explique celle qui voit passer plusieurs centaines de dossiers par an.

Néanmoins, elle assure que la suppression des bourses ne changera rien. « Cette mesure aura forcément un impact, mais pas autant qu’on le croit. Je vois rarement des élèves boursiers demander ces pays-là. La vie chère, le coût élevé des universités? Ce sont surtout les familles très aisées qui peuvent se le permettre. Ou alors, il arrive que toute une famille au sens large se cotise pour envoyer un enfant. »

Ce qui explique également que certains Gabonais s’installent en Occident avec la responsabilité de rendre la pareille en envoyant chaque mois une partie de leur salaire à leur famille.

Face à la polémique, le ministère de l’Enseignement supérieur a discrètement tenté de tempérer l’annonce.

Dans un communiqué officiel, publié dans la presse locale le 18 juillet, l’Agence nationale des bourses du Gabon évoque une possible exception pour les filières stratégiques pour le développement national : celles concernant la transformation des matières premières, l’agronomie, le numérique et le digital, l’aéronautique ou encore certaines spécialités médicales.

Renforcer la coopération Sud-Sud

À travers cette mesure, qu’un membre de l’entourage du président analyse comme « une forme de représailles voilées envers les pays d’accueil, de plus en plus austères face à l’arrivée d’étudiants africains », Brice Oligui voudrait non seulement endiguer la fuite des cerveaux, mais également renforcer la coopération Sud-Sud. Il a annoncé privilégier les étudiants gabonais qui se dirigent vers des pays africains comme le Sénégal, le Ghana ou le Maroc, d’où « on sait que les jeunes vont revenir », explique-t-il.

D’après Sarah Wild, déjà près de la moitié des Gabonais qui étudient à l’étranger se tourne vers les pays africains. « Depuis une dizaine d’années, c’est moitié-moitié entre l’Occident ? France, États-Unis, Canada ? et les pays africains ? Afrique du Sud, Maroc, Sénégal. » Elle-même a étudié le design digital à Cape Town puis au Rwanda avant de revenir s’installer au Gabon. « Beaucoup d’étudiants suivent l’expérience des parents ou se dirigent là où un membre de leur famille est déjà installé. C’était mon cas en Afrique du Sud, où mes parents ont vécu un temps. Là-bas, la vie est moins chère qu’en Amérique du Nord et les universités sont reconnues mondialement. »

Mais le climat de l’emploi gabonais n’épargne pas les autres pays africains. Amadou Gueye, le professeur de philosophie, a envoyé deux de ses enfants au Sénégal.

« Les formations sont bonnes et c’est une destination plus accessible pour les classes moyennes. » Mais si l’un poursuit des études de médecine avec la promesse quasi assurée de trouver un emploi au Gabon ou ailleurs facilement, l’autre, diplômé de droit, peine à trouver un emploi, au Sénégal ou au Gabon. « La filière droit est saturée. L’État gabonais a du mal à créer des débouchés », déplore le père de famille.

Enfin, certains y voient un risque de « déclassement ». « On ne peut pas aller étudier au Maroc ou au Sénégal pendant que les Marocains et les Sénégalais vont, eux, se former en France, ça n’a pas de sens, insiste Patrick Eyogo Edzang, ancien ministre dont les enfants sont diplômés de deux grandes écoles de commerce françaises. Pour donner les moyens aux entreprises gabonaises, il faut donner à nos jeunes l’opportunité d’être formés correctement. Pour l’instant, on ne peut pas se priver de l’Occident pour former nos élites. »

Néanmoins, pour faire des économies, il suggère de limiter les bourses aux meilleurs élèves admis dans les écoles les plus prestigieuses ou encore de leur faire signer une garantie de retour : « Un engagement de revenir au pays pour au moins 10 ans afin de faire avancer le Gabon. »

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