
Démarrée depuis samedi 8 juillet, la lutte traditionnelle EVALA 2023 du jeune garçon, a pris fin le 16 juillet dernier pour laisser place au rite initiatique Akpéma de la jeune fille, en pays Kabyè. Tout comme le jeune garçon rentre dans la catégorie des adultes par les rites des Evala et Kondona, la jeune fille n’est considérée dans sa communauté qu’à travers la cérémonie d’Akpema. Bien que cette dernière soit moins médiatisée, elle est très importante pour l’identité culturelle et la socialisation de la femme Kabyè. Elle a lieu généralement entre mi-juillet et fin août de chaque année. Pour l’édition de cette année, beaucoup de cantons vont donner le ton cette semaine.
Pendant que le jeune garçon Kabyè suit un rite initiatique qui va jusqu’à huit ans pour devenir Eglou (le sage), la jeune fille, elle, est initiée en une seule année. Son initiation commence également autour de 18 ans. La tradition veut qu’elle soit vierge avant l’initiation, car cette initiation la prépare au mariage.

Akpéma est un rite qui permet aux jeunes filles Kabyè de s’habituer à l’endurance, au courage et à la sauvegarde de certaines vertus qui lui donnent un statut particulier. Parmi ces vertus, celle qui est capitale est sa virginité avant le mariage.
Ainsi, Akpénou (l’aspirante), très dévêtue, la hanche seulement ceinte de perles, « kédjissi» la tête rasée, un collier en fer au cou, part avec ses autres camarades en file indienne dans la forêt sacrée où se poursuivent les cérémonies. Tout au long de l’initiation, elles sont accompagnées et prises en charge par des femmes adultes expérimentées.
Il faut souligner que dans la forêt, au cours des rituels, la procession les Akpéma (les aspirantes au pluriel) sont conduites jusqu’à un endroit appelé la grande maison chez certains, la montagne chez les autres où on les fait asseoir sur une pierre. Là les versions diffèrent. Pour certains, comme M. Télou, chef de canton de Yadè Bohou, si la jeune fille n’est pas vierge et s’assoit sur cette pierre, du sang coulera de son sexe. D’autres disent qu’elle se fera piquer par les abeilles (Tchôtchô, le prêtre traditionnel de Yadè Bohou).
La réussite à ce test donne le privilège d’avoir accès à la petite case sacrée. Une étape déterminante qui, lorsqu’elle est franchie, fait l’honneur de leur famille. C’est à la fin de ce processus initiatique que la jeune fille Kabyè est déclarée apte à la vie adulte et au mariage. Il convient de préciser que les filles qui se savent non vierges ne doivent pas s’asseoir sur la pierre. Après les cérémonies, elles sortiront toutes nues de la forêt sacrée et entreprendront le voyage du retour en passant par un autre chemin que celui emprunté pour y arriver. Le risque pour celles qui vont s’entêter est de voir la porte de la petite case se rétrécir devant elles, les empêchant d’y entrer. Ce sera alors la honte, les humiliations, les insultes et de profondes railleries pour elles et leurs parents.
La suite de la cérémonie est marquée par une parade des «Akpémas». Toutes les Akpémas du canton se retrouvent souvent sous un arbre sacré.
Les prêtres traditionnels par un rituel donnent le départ de la procession. Tout le long des chemins, les initiées des années précédentes et les parentes chantent pour vanter surtout les poils pubiens de leurs initiées. On compare dans les chants ces poils à une brousse sauvage, aux roseaux ou à de hautes herbes qui blessent. Si les spectateurs sont autorisés à ces parades, la présence d’une caméra par contre est interdite. Tout contrevenant est lynché et conduit à la justice et son matériel détruit.
C’est la dernière sortie des Akpémas après laquelle elles peuvent aller au marché, seulement vêtue d’un slip et de soutien-gorge, la hanche ceinte de kédjissi, jusqu’à la danse « tchimou » qui marque la fin de la cérémonie d’initiation. La tradition voulait qu’au lendemain de cette initiation, la jeune akpénou déjà promise à un jeune évalou, regagne le domicile de son fiancé. Mais auparavant, le jeune évalou organise au domicile de la jeune akpénou la danse tchimou. La caractéristique de cette danse tchimou est l’apparat, l’étalage des richesses du fiancé.
Le fiancé, ses parents et ses amis offrent des quantités impressionnantes de « souloum » (communément connu sous le nom de « tchoucoutou », une boisson préparée à base du sorgho), des quantités qu’ils peuvent verser jusqu’à déborder la jarre juste pour signifier qu’ils ne sont pas dans le besoin. Cette ostentation vise à rassurer la jeune akpénou sur la fortune de son futur époux : elle n’entre pas dans une famille indigente ; elle sera à l’abri du besoin dans la famille où elle va.

Dans la société traditionnelle de la préfecture de la Kozah, les jeunes garçons et filles kabyè se reconnaissent matures et prennent part à la vie sociale à partir des rites initiatiques Evala, Akpéma et Kondona.
Et chaque rite initiatique a son importance et sa particularité. Au-delà des obligations traditionnelles, les rites initiatiques en pays kabyè permettent aux initiés d’affirmer leur identité culturelle. «Car il existe plusieurs Afriques, plusieurs peuples, et à l’intérieur de chaque peuple plusieurs initiations, et à l’intérieur de ces initiations, plusieurs rites ou catégories de rites initiatiques et, enfin des initiations d’hommes et des initiations de femmes», selon Michel Padonou
C’est au nom de cette identité que le clergé local va introduire dans l’Église catholique le rite initiatique Akpéma afin d’éviter le syncrétisme culturel. De nos jours, parmi les rites initiatiques, Evala attire plus d’attractions de différentes couches sociopolitiques. Aussi, le rôle joué par la politique lors de l’organisation des Evala n’est pas à négliger.
(Source : CHRONSIQUE DE LA SEMAINE n°698)
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